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LE CHOIX

CHAPITRE SOIXANTE-QUINZE

     En cette fin d'après-midi de décembre, Say est plus pressé de rentrer que d'habitude. C'est le jour de son cinquantième anniversaire.
     Il passe d'abord par le magasin Safeway prendre le gâteau qu'il a commandé. Il y aura George Atkins et quelques autres. Le Moët et Chandon brut impérial a déjà le temps de refroidir, depuis hier, dans le réfrigérateur. Devant la porte de sa chambre, un paquet l'attend. Tiens, tiens! De qui ça peut bien être? Pas de timbre-poste mais une livraison spéciale d'une compagnie privée de courrier. Depuis qu'il était à Vancouver, il n'écrivait à personne, ne recevait de lettre de personne exceptée la correspondance officielle et commerciale. Mais cette écriture? Mais oui! C'est elle! C'est Monty qui lui a envoyé le paquet! Comment diable a-t-elle pu connaître l'adresse? Ben, voyons! L'annuaire téléphonique! Voyons qu'est-ce que c'est? Ah! Du chocolat! Comme il les aime: Laura Secord. Et la carte de souhaits, qu'est-ce qu'elle dit? Oh! Une poésie, la chanson:

     Mon cher Quinqua, c'est à ton tour
     De te laisser parler d'amour!

     (902)...-....

     Pas de signature mais un numéro de téléphone. 902 c'est pas Montréal! On verra bien. Ainsi, elle n'a pas oublié et elle a voulu que son cadeau arrive à la date exacte. Encore une fois elle fait le premier pas, à ce moment critique de son existence à lui, à mi-chemin entre la Vie et la Mort. Ému, les doigts tremblant malgré lui, Say pousse les boutons du combiné téléphonique. Une sonnerie. Deux. Quelqu'un décroche.
     - Hello? dit une voix féminine.
      C'est bien celle de Monty.
     - Allô! enchaîne Say. Comment ça va?
     - Ça va! Et toi?
     - Ça va! Merci pour le cadeau! Où est-ce que tu es?
     - À Halifax.
     - Halifax! Qu'est-ce que tu y fais?
     - Je travaille. Je vis ici depuis que t'es parti.

     Say marque une pause, embarrassé, puis continue:
     - Qu'est-ce que tu fais comme travail?
     - Préposée au nettoyage. C'est assez bien payée.
     - Oui, je vois. Moi, je suis aide-cuisinier.
     - Ah! Tu faisais déjà si bien les kuy teav!
     "Ainsi elle a encore de l'humour!" pense Say qui rectifie:
     - Non. Je travaille dans un restaurant européen. On fait des plats canadiens, italiens, espagnols.
     Les deux s'arrêtent un moment comme si c'est pour faire le point. Puis Yèm Say s'attendrit:
     - Ohn¹ ! Tu me pardonnes?
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     ¹ Chérie. Littéralement: cadette.