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UNE VIE NOUVELLE

     Queen Elizabeth Park, situé sur une colline, est un vaste complexe sportif, horticulturel et... hydraulique. Les terrains de tennis, au nombre de dix-huit incluant un mur pour débutants, ne sont autres que le dessus d'un grand réservoir enterré d'eau potable. Un deuxième réservoir, plus élevé mais toujours enterré, offre son toit comme parking pour les visiteurs. Les amateurs de golf peuvent essayer leur fer 9 et leur putteur dans un Pitch & Putt de dix-huit trous qui s'étale sur l'autre versant tandis que les admirateurs de fleurs, y compris les nouveaux mariés et leurs photographes, trouvent leur compte dans le jardin des roses (il y en a plus d'une dizaine d'espèces) et dans d'autres parterres de fleurs bigarrées. La tradition anglaise n'est pas absente du parc: un club de boules sur gazon accueille ses membres près du jardin des roses. Une chute artificielle d'eau tombe d'un petit jardin japonais vers le trou béant d'une ancienne carrière maintenant fleurie, après avoir coulé sous un ponceau en bois. Et c'est précisément un Japonais canadien, ponctuel comme une horloge, qui est le nouveau partenaire de tennis du Cambodgien canadien. De petite taille, frêle d'apparence, cheveux et barbe grisonnants, il a une façon curieuse de cogner ses services: on dirait un adepte du kendo maniant son sabre. Ses lunettes de myope le font parfois appeler des fautes discutables de ligne de service ou de limite de terrain. Mais c'est un bon joueur. Et comme les deux sportifs sont à peu près de même âge, ils finissent toujours par se réconcilier après d'âpres discussions sur le principe de juge et partie. Un jour de la mi-juillet, Tamio -c'est son prénom- dit à Say:
     - Cyrus! La semaine prochaine, viens voir l'exposition de mes photographies au Musée de Vancouver.
     - Musée de Vancouver?! Sur la rue Robson?
     - Non, ça c'est le Vancouver Art Gallery. Le Vancouver Museum c'est dans le parc Vanier, à côté du pont Burrard.
     - Ah! Je vois. J'espère qu'il y aura du sushi pour les invités, taquine un peu Say.
     - Heu! Je ne sais pas. C'est organisé par la communauté japonaise d'ici. Je crois bien qu'il y aura quelque collation. Mais j'apprécierai beaucoup si tu peux venir, je ne suis pas sûr d'avoir beaucoup de monde.
     - Sois sans crainte! Je serai là, rassure Say.
     Le Cambodgien savait seulement que son adversaire de tennis est un photographe, comme indiquait la carte de visite de ce dernier. Il n'était pas préparé pour voir ce qu'il verra la semaine prochaine au Musée de Vancouver.