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Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

DÉSILLUSION

CHAPITRE SOIXANTE-HUIT

     Le 1er novembre 1987, le Québec, consterné, est en deuil: René Lévesque, ancien chef du Parti québécois, ancien premier ministre, est mort, terrassé par une crise cardiaque dans son appartement de l'Île des Soeurs.
     Le corps du grand nationaliste québécois est exposé dans le Vieux Palais de Justice de Montréal. Témoignant leur affection, leur respect et leur admiration pour la longue lutte de cet ex-journaliste gaspésien pour préserver la langue et la culture françaises au Canada, les habitants de toute origine du Grand Montréal font une queue longue de quelques kilomètres pour lui dire adieu. Un politicien, bouleversé, a même touché la dépouille mortelle.
     Le cercueil de l'homme d'État repose ensuite dans l'Assemblée nationale, à Québec, où il reçoit des funérailles nationales.

CHAPITRE SOIXANTE-NEUF

     Janvier 1988 est froid. En cette fin d'après-midi il doit faire aux alentours de -20° C. À l'arrêt d'autobus sur l'avenue Émile-Journault, la cabine est pleine. Des gens attendent aussi à l'extérieur: des clients du Centre Claude-Robillard, des étudiants du Cégep ¹ Ahunstic tout près de là. Au côté opposé, un véhicule de la ligne Christophe-Colomb, venant de la station de métro Crémazie, déverse sur le trottoir presque tous ses passagers dont la plupart se dirigent vers le complexe sportif. Parmi ceux-ci un groupe de personnes visiblement de la minorité extrême-orientale.
     - Les shengs! Ils sont de plus en plus nombreux chez nous! marmonne un homme d'une trentaine d'années, envoyant à chaque mot des bouffées d'air condensé comme s'il fumait.
     Enfin l'autobus attendu arrive. Tout le monde s'y engouffre. Shengs ou pas.

*
     Au mois de mars Pong fête ses quarante ans. Une dizaine d'invités, tous des hommes exceptée Monty. L'électronicien possède maintenant deux maisons et deux appartements en condominium, tous avec des locataires. Mais il vit toujours seul, ni femme ni petite amie. Et il reste étonnamment jeune, on lui donne volontiers trente ans.
     - C'est parce qu'il ne s'est pas dépensé sexuellement! plaisante un ami.
     - Mais c'est vrai!
     Monty saute sur l'occasion et continue en lorgnant Pong avec un regard malicieux:
     - Même en France on ne t'a jamais vu avec une fille!
     L'intéressé, bien que souriant, ne répond pas, occupé à couper le grand gâteau d'anniversaire. Un autre ami poursuit la taquinerie:
     - Pourtant à Montréal, les beaux partis khmers ne manquent pas! Je sais qu'il y a des familles nanties qui lui ont tendu la perche!
     - Peut-être serait-il homosexuel? lance Say, rigolard.
     - Vos gueules! tonne soudain Pong. Si je suis encore célibataire, c'est parce que je choisis! Je choisis non seulement ma femme mais aussi ma belle-famille! Je ne veux pas être le gendre d'un voleur ni celui d'un lécheur! Vu? Alors mangez vos gâteaux avant que je ne les colle sur vos faces de clowns!
     - Oh! Ça va! Ça va! On t'a compris! répondent les autres en s'esclaffant devant le courroux bien connu de Pong.

*
     Au classement général après les compétitions, le club Kent est dans les premiers cinq. Yèm Say s'est honorablement défendu, l'année dernière, durant ses matches et garde donc sa place dans la classe C du club pour cet été. Monty, quant à elle, préfère depuis quelque temps la natation au tennis qui ne fait grossir, selon ses mots, qu'un de ses avant-bras. C'est donc au bord de la piscine du parc qu'on la trouve étendue sur une serviette de plage, en ce dimanche ensoleillé.
     - Il fait chaud, hein? la fait observer une nouvelle arrivante qui s'allonge à son côté.
     - Oui, c'est étouffant! On ne peut pas rester chez soi! répond Monty en dévisageant son interlocutrice.
     La femme, d'environ trente-cinq ans, d'une assez forte corpulence, porte une sorte de casquette en velours brodé de rondelles dorées qui ornent bien ses cheveux longs, lisses et noirs. Elle a un teint clair et un faciès asiatique.
     - Êtes-vous philippine? s'enquiert Monty.
     - Non, je suis mohawk. Vous?
     - Je suis cambodgienne.
     - Ah! Savez-vous que nous avons les mêmes contes du Roi Lépreux?
     - Ah, oui? J'ai déjà oublié cette légende! Mais dites-moi, vous venez depuis Kahnawake pour nager dans cette piscine?
     - Non! répond en riant la Mohawk. Je suis originaire de là-bas, mais je vis près d'ici, sur la rue Barclay.
     - Mais alors, on est voisins! Mon chum et moi nous sommes sur Plamondon. Il faut que vous veniez nous raconter l'histoire du Roi Lépreux!
     - Ce sera pour un autre jour! Dites-moi, au Cambodge c'est toujours la guerre?
     - Oui, hélas! Mais vous en savez beaucoup sur mon pays natal! Mon nom est Monty, ravie de faire votre connaissance!
     - Moi pareillement, je suis Lucille!
______________
¹ Collège d'enseignement général et professionnel.
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