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Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

DÉSILLUSION

CHAPITRE SOIXANTE-SIX

     Au début de l'année 1986, Sam Monty reçoit un appel téléphonique de la Croix-Rouge canadienne. On lui dit qu'un de ses cousins vivant maintenant dans un camp de réfugiés à la frontière thaïlandaise cherche à la retrouver, et on lui demande si elle est d'accord que la Croix-Rouge communique son adresse à ce membre de sa famille. La femme répond affirmativement et reçoit quelques semaines plus tard une lettre de la Thaïlande. C'est du parent en question, Teng Song, un cousin maternel. Dans sa lettre, pathétique, celui-ci confirme la mort de la mère de Monty et raconte comment sa femme et la vieille dame avaient enduré ensemble les rudesses de la vie sous les Khmers rouges. Elle est morte de malnutrition et de maladie et ils l'ont enterrée près du village. Après l'invasion vietnamienne et la chute de Pol Pot, Teng Song rejoignait des groupes de villageois pourchassant les derniers Khmers rouges avant de trouver refuge, avec sa femme et ses enfants, dans un camp frontalier contrôlé par des combattants du FNLPK. Il y travaille même avec un membre de ce front, Mme H., professeure d'histoire, que Monty avait rencontrée à Washington DC en 1977. Enfin, naturellement, Teng Song appelle sa cousine à l'aide.
     Monty, l'ex-ingénieure, l'ex-militante, l'ex-patriote, est déjà devenue un autre être, aigri, rancunier, auto-destructeur. Elle et son amant vivent de l'aide sociale et noient leur chagrin dans le sport, jouant au tennis l'été, nageant dans les piscines publiques l'hiver. Sans travail, elle ne pourra pas parrainer ses cousins à venir au Canada. Elle pourrait leur envoyer un peu d'argent, en économisant sur les bouteilles de bière et les balles de tennis, mais elle ne veut pas s'en priver. Elle pourrait juste leur écrire des lettres, mais elle ne veut pas non plus. Des Cambodgiens d'ici l'ont déjà accusée de rouge: une pur sang comme disait d'elle un ancien instituteur, voyant son mode de vie austère et ses positions politiques intègres. Ses lettres à Teng Song pourraient faire accuser à son tour ce dernier. Alors Monty ne fait rien, pas de lettre de réponse. Quelques semaines après c'est Chea, un autre cousin maternel refugié avec sa mère et sa soeur au camp Site 2 qui écrit à la Canadienne cambodgienne. Lui non plus ne recevra de réponse. Les appels à l'aide de Teng Song et de Chea continueront d'arriver pendant plus de deux ans, toujours sans réponse de l'être sans coeur.

*
     Sur les douze terrains de tennis du parc Kent toute la neige a fondu, mais les filets ne sont pas encore là. Un employé municipal est en train de nettoyer au boyau d'arrosage la surface de ciment encombrée de feuilles pourries et d'autres débris accumulés durant l'hiver. Say et Monty poursuivent leur chemin le long de la piscine à l'air libre qui ne sera ouverte qu'au mois de juillet. Puis ils descendent la pente vers le stade de soccer qui sert aussi, l'été, de lieu de quelques manifestations multiculturalistes. Le Très Honorable Joe Clark y était même venu serrer les mains des citoyens lors de la campagne électorale de 1984 avant de devenir ministre des Affaires étrangères du gouvernement Mulroney.
     Quelques coureurs s'entraînent sur les pistes synthétiques de couleur rouge qui forment un anneau autour du gazon. En bas de l'escalier, au pied du petit mur de soutènement en béton qui sert de limite Est du stade, nos deux joueurs de tennis se livrent à des exercices de réchauffement. Le tennis, au Cambodge, ils en ont seulement entendu parler. On en faisait au Cercle sportif khmer de Phnom Penh (CSK) dont les membres étaient des professeurs français, des diplomates, des riches commerçants et des ministres cambodgiens. Un joueur réputé était M. Ngo Hou, médecin, pilote de Cessna, ami fidèle du prince Sihanouk, général et chef d'état-major de l'Aviation royale khmère. Il a beaucoup encouragé les jeunes à percer des premiers sets de la coupe Davis. Mais là aussi la loi des grands nombres s'applique: il n'y a un champion que parmi dix mille. Et comme il n'y avait pas dix mille jeunes joueurs cambodgiens...
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REFORMING
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GOD vs
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