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Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

UNE VIE NOUVELLE

CHAPITRE SIX

     - Forty-Love!
     Ramon annonce le compte, lance la balle de ses doigts gauches, lève sa raquette derrière la nuque et sert. Pfaff! La balle dérape sur une flaque d'eau et échappe à l'autre joueur.
     - Tabarnac m... ! jure Yèm Say, moitié en québécois, moitié en français.
     On n'a pas vécu plus de dix ans à Montréal sans être marqué.
     - Tu parles français? s'étonne en français Ramon qui gagne leur premier match de tennis.
     - Oui, mais toi aussi. T'es pas espagnol?
     - Je suis basque.
     - Ah, oui? Alors t'es un compatriote de Jean Borotra!
     - De qui?
     - Jean Borotra. Le champion français. Enfin, il est basque français. T'as pas entendu parler des Mousquetaires?
     - Non.
     Non. Un joueur de tennis, même un bon, n'est pas obligé de connaître les mousquetaires. Il n'y a que lui, Yèm Say, le fou de la balle jaune, qui peut vous réciter les noms de tous les grands champions de Fred Perry à Rod Laver, de Pancho Gonzales à Guillermo Vilas en passant par Ilie Nastase et Ellsworth Vines. Le tennis que, sous l'influence de cette femme, Monty, ils se mettaient à apprendre ensemble à Montréal en lisant tous les livres sur ce sport empruntés de la Bibliothèque municipale, succursale centrale, boulevard Sherbrooke. Say quitte Ramon après avoir convenu d'une autre rencontre et traverse le parc Strathcona pour aller attendre l'autobus 22. Son restaurant n'est qu'à quelques minutes de trajet, à l'autre côté du quartier chinois. On est début janvier 1992 et on joue encore au tennis à l'extérieur, par une température de 8° Celsius. Ça c'est Vancouver où la neige et le froid sont plus une curiosité météorologique qu'un emblème hivernal, Vancouver où le tennis dans les parcs publics est gratuit. Le seul inconvénient est la pluie et les feuilles mortes. Mais les mordus et les plus débrouillards ont toujours à portée de main leurs balais et leurs vieux tapis pour assécher les mares d'eau. Yèm Say est loin de l'objectif qu'il s'est fixé en quittant Monty, Montréal, le parc Kent et même sa raquette Kneissl. Il ne peut pas laver la vaisselle dans deux restaurants, rentrant chaque nuit exténué. Il ne peut pas rester longtemps sans faire du sport, l'exercice physique étant devenu pour lui une drogue. Alors il coupe la poire en deux. Il continue de travailler dans un seul restaurant et il achète une nouvelle raquette de tennis, toujours à l'Armée du Salut. Et ce n'est pas tout. Demain il fera une croisière à Victoria, sur le catamaran ultra-rapide Royal Sealink Express. Gratuitement, gracieuseté de la compagnie. Au mois de mars, pendant qu'il fait ses exercices de réchauffements, Say voit arriver un Ramon boiteux, avec un visage dénonçant de vraies souffrances chaque fois qu'il fait un pas. Le Cambodgien va au-devant de son partenaire et questionne:
     - Mais qu'est-ce qui t'est arrivé?
     - J'ai une rechute de gouttes ¡Hija de puta! C'est de ma faute. J'aurais pas dû cesser de prendre des médicaments!
     - Tu ne peux pas jouer aujourd'hui, alors?
     - Ni aujourd'hui ni jamais! Je m'arrête! Alors tu peux aller au parc Queen Elizabeth. Il y a toujours des gens qui y jouent, même l'hiver.
     - Où se trouve-t-il ce parc?
     - 33e avenue et Cambie.

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