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UNE VIE NOUVELLE

     Après six mois de travail plus que consciencieux, le gérant convoque Yèm Say et lui dit qu'il gagne maintenant six dollars l'heure mais qu'il ne faut parler à personne de son augmentation. Say connaît assez des us et coutumes particuliers et plutôt amusants du restaurant The Ivory pour risquer d'enfreindre le secret. En voici quelques exemples. Le personnel de la cuisine a droit à la nourriture gratuite. Mais les gens étant les gens, il y en a qui mangent peu, il y en a qui mangent beaucoup et il y en a qui abusent. Il faut donc de la justice et de la discipline. Le pauvre Ramzas, très féru de la salade César, n'a pas tardé à goûter à la discipline maison. Un jour, après que ce dernier a mangé une fois de trop la fameuse salade, un prep sénior l'emmène devant le four, ouvre toutes grandes les portes, fait semblant d'y chercher quelque chose puis s'exclame d'un ton railleur:
     - Oh! Y a plus de César!
     Le dimanche suivant, à la fermeture, le gérant-adjoint ordonne à Ramzas de nettoyer le four. Complètement. C'est ainsi que, grâce au nouveau plongeur et à cause de la salade César, le four du restaurant est resté étincelant pendant un bout de temps, jusqu'au jour où il a enfin compris! Mais The Ivory sait aussi réparer. Quand on s'aperçoit qu'on a rudoyé injustement un employé ou qu'on veut le récompenser d'un effort supplémentaire, on lui donne du... dessert. "On" c'est le gérant et ses adjoints, seuls maîtres à bord après dieu, qui tiennent et reprogramment chaque semaine l'emploi du temps de tous les employés. Un nouveau cuisinier, pour son arrogance, a été reprogrammé pour apprendre un peu la modestie. Arrivé à son poste, il ne trouvait personne dans la cuisine sauf Cyrus Yèm, le laveur de vaisselle. Aucun prep. Le pauvre a dû courir dans tous les sens pour cuire et préparer, tout seul, les commandes des clients.