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Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

FOLIE DES GRANDEURS

CHAPITRE CINQUANTE-QUATRE

     Dès le lundi suivant Yèm Say voit la bouteille. Non de bière, ni de vin, de scotch! Du Johnnie Walker et de format jumbo: 1.14 litres! Tous les deux, ils aiment bien manger en accompagnant leurs repas d'une bouteille ou d'une canette de bière toujours au frais dans le réfrigérateur. Aux grandes occasions du vin et quelques extras. Sans jamais être ivre ni elle ni lui. Oh, non! Ils ne sont pas des ivrognes! Ni des alcooliques! Ils s'en défendront jusque devant la cour, ils connaissent les limites! Mais du scotch... Et puis après? Elle a le droit d'acheter ce qu'elle veut, de boire ce qu'elle veut, elle est adulte et vaccinée. Mais lui aussi, Yèm Say, il vient d'avoir l'eau à la bouche! Du Johnnie Walker ou du Hennessy coupés au soda c'est ce qu'on servait à tous les banquets de mariage au Cambodge! Brusquement il a envie d'en boire lui aussi!
     Après la douche Say prépare son déjeuner, un qui ira bien avec l'eau-de-vie. Le morceau de boeuf sorti du congélateur, la nuit dernière, a déjà dégelé. L'homme le coupe en tranches très minces, les assaisonne avec du sel, du poivre, un peu de sucre (ça rehausse la saveur!) et de la sauce soja et laisse attendre dans l'assiette. Après, il écrase un quartier d'ail et le découpe en miettes. Une fleur de brocoli est ensuite écartelée en morceaux. Say va faire sauter le boeuf et le brocoli à la cantonnaise. Lui et Monty l'ont appris chez M. et Mme Theng. Le premier secret: l'enrobage. Une cuillerée à café de farine dans une saucière, un peu d'eau pour obtenir un mélange liquide. Le deuxième secret: la chaleur, beaucoup de chaleur. Quand l'huile dans la poêle à frire atteint le point d'ébullition (attention à l'incendie!), le Cambodgien y met les morceaux de brocoli qui cuisent avec des crépitements bruyants. Il les remue pendant sept secondes. Les légumes sont ensuite retirés de la poêle et placés sur un plat.
     Toujours dans la même huile bouillante, les miettes d'ail sont éparpillées et dorent instantanément en dégageant leur fort parfum caractéristique. Immédiatement Say ajoute les tranches de boeuf, les remue durant cinq secondes, éteint le feu, verse le liquide farineux, remue le tout et vide le contenu de la poêle sur le brocoli qui attend dans le plat. Le légume vite cuit craquant sous les dents, l'enrobage onctueux maintenant la chaleur et caressant la langue, Say bénit l'initiative de Monty, allume le téléviseur noir et blanc, s'assoit à table et accompagne son ambroise et son nectar par du riz brûlant déjà prêt dans la marmite automatique.
     Le bulletin météorologique annonce un chinook pour aujourd'hui même, dans les heures qui viennent. Température présente: 18° C sous zéro. Pour être quelqu'un qui a vu les tempêtes de neige québécoises et vécu le froid pénétrant à cause d'humidité à Montréal, Say n'est pas impressionné par l'hiver de Calgary situé pourtant plus au nord que la métropole francophone. Ici l'air est plus sec, tellement sec que la municipalité albertaine, malgré la proximité des montagnes Rocheuses, n'a pas cru bon d'avoir un vrai service de déneigement. Il y a bien quelques chasse-neige mais rien à côté du régiment mécanisé montréalais. Le Khmer est toutefois curieux de voir ce chinook. Il ne l'a pas encore connu. D'après ce qu'on dit, ça ressemblerait à l'été indien dans la Belle Province.
     À 15 h 15, Say est à bord de la Plymouth avec son café au lait dans un thermos, son souper dans une boîte à victuailles. Il va travailler de 16 h à minuit. Les rues et les trottoirs sont encore couverts par endroits de neige durcie, il avait neigé quelques jours auparavant. Arrivé en haut de la colline, le garde de sécurité regarde vers le sud-ouest, par-dessus Memorial Drive. Un gros nuage noir coiffe les contre-forts des Rocheuses.
     "Ça doit être lui, le chinook!" pense Say.
      Progressivement, heure par heure, chaque fois qu'il fait sa patrouille extérieure, le garde doit enlever son écharpe, ses gants, son parka, son casque et pour finir, desserrer la cravate et déboutonner sa veste galonnée. En huit heures le thermomètre a grimpé de -18° C à... +12° C. Trente degrés de différence! Sur le chemin de retour, la voiture roule sur des chaussées inondées, toute la neige a fondu! Pendant cinq jours consécutifs, la température oscille autour de 10° C. Quelques bourgeons commencent même à apparaître, et on est en janvier!
     - Le chinook est un super été indien!
     Say donne à sa compagne sa définition du phénomène albertain.

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