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Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

FOLIE DES GRANDEURS

CHAPITRE QUARANTE-HUIT

     - Tiens! Regarde le nom de la ville! Dryden, ça ne te dit rien?
     - Si! Ken Dryden, le gardien de but des Canadiens!
     - Il y a un aéroport, là, à droite. Mais? C'est un jet qui est en train d'atterrir! C'est donc une ville assez importante.
     - On va s'arrêter et passer la nuit ici! décide Say en levant le pied de l'accélérateur. J'en ai assez de conduire! Ces bouchons ont fini par m'assommer!
     Ça va être leur troisième nuit en cours de route et ils sont encore dans la province d'Ontario! Si le Québec est grand du sud au nord, l'Ontario l'est de l'est à l'ouest. Après avoir trouvé, sur la grande route un peu avant la sortie de la ville, un terrain de camping et y dressé leur tente, les deux voyageurs reviennent voir l'aéroport et chercher l'explication de l'importance de l'agglomération. Ils la trouvent dans une vallée, presque cachée, au bord d'une rivière: une grande usine de pâte à papier.
     Le lendemain, l'aventure reprend. Peu après Kenora, une réserve indienne, les Cambodgiens entrent au Manitoba. Le paysage n'y est pas très différent de celui en Ontario, du moins le long de ce tronçon de la Transcanadienne. À Winnipeg, toutes les horloges visibles rappellent aux deux compagnes qu'il faut se mettre à l'heure du Centre. On est sur un autre méridien, une heure de gagnée! Après Portage-la-Prairie, c'est Brandon où ils s'arrêtent pour la nuit.
     Se promenant sur le trottoir après le dîner dans un restaurant chinois, Say et Monty voient, à une dizaine de mètres d'eux, trois jeunes Amérindiens qui s'avancent en silence, le visage digne mais dénonçant une colère refoulée: quatre ou cinq adolescents blancs, les torses hors des fenêtres de leur grosse voiture, s'amusent à les harceler verbalement.

CHAPITRE QUARANTE-NEUF

     - Voyons! observe Say peu après l'entrée en Saskatchewan. Jusqu'ici toi et tes amis vous n'avez fait que d'étaler les erreurs des autres. Sihanouk était médiéval, la République de Lon Nol était corrompue, les Khmers rouges sont monstrueux. Mais vous? Qu'est-ce que vous avez à proposer en échange?
     - On vient de la faire, notre proposition! Dans notre dernier bulletin intitulé Nouvelles Idées pour La Patrie, nous avons décrit notre rêve de société: un Cambodge où chaque Khmer sera vraiment un propriétaire de son pays. On a pondu un projet de Constitution ¹.
     - Un projet de Constitution?! Mais vous êtes fous! C'est l'affaire d'une assemblée constituante!
     - L'assemblée constituante est la phase finale, une formalité. Le plus important c'est le début: un document qui spécifie les règles du jeu et qui aura obtenu l'accord de tous les partis politiques.
     - Et quelles sont vos règles du jeu? Enfin... celles que vous proposerez?
     - D'abord un système décentralisé. Un seul gouvernement à Phnom Penh qui décidera de tout, ce sera encore un pouvoir très concentré, même renouvelé à tous les quatre ou cinq ans par des élections.
     Là-dessus, l'ex-chef de bureau fait un rappel:
     - Vous n'avez qu'à voter contre moi! disait Sihanouk!
     - Voilà! Il faudra donc un deuxième niveau de gouvernement: les gouvernements provinciaux.
     - Mais ça fera trop de gouvernements!
     - T'aurais pu dire: trop de politiciens! Eh bien, il n'y aura jamais trop de politiciens! C'est exactement le but d'une décentralisation: faire participer plus de gens à la vie politique du pays.
     - Ainsi vous voulez que les gouverneurs de province soient élus par la population et non plus nommés par Phnom Penh?
       Monty précise:
     - Le gouverneur seul ou le gouverneur et son équipe! Toi, ancien de l'ÉRA ², moyen fonctionnaire promu haut fonctionnaire, qu'est-ce que t'aurais fait si tu voulais devenir gouverneur de province sous Sihanouk ou Lon Nol? Travailler à mort et montrer tes capacités?
     - Jamais de la vie! J'aurais plié mes genoux devant les grands, j'aurais léché les sandales du ministre de l'Intérieur. Et c'est même pas suffisant! Je serais allé voir jusque la reine-mère ³ au palais royal ou la princesse Monique à Chamkar Morn avec un paquet d'argent ou un tas de cadeaux coûteux. Évidemment ça aurait grevé lourdement mon budget, mais j'aurais vite regarni mon compte en banque une fois nommé gouverneur!
__________________
¹ Rapporté par Le Devoir du 11 mars 1980.
² École royale d'administration.
³ Pour accaparer tous les pouvoirs, le roi Sihanouk abdiqua en 1955 en faveur de ses parents, comme si le trône lui appartenait à titre privé. Il créa ensuite son parti politique, le Sangkum Reastr Niyum (Communauté socialiste populaire!) qui allait vite devenir un parti unique. Déjà chef du gouvernement, il se fit nommer chef de l'État après la mort du roi son père en 1960.

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