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Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

FOLIE DES GRANDEURS

     Monty fait signe au conducteur de ralentir avant de lancer sa remarque:
     - Pas étonnant que les temples d'Angkor, érigés à la gloire des dieux Siva et Vishnou, ont des inscriptions en sanskrit sur les bas-reliefs!
     - En sanskrit mais écrites avec des caractères khmers!
     Say donne sa précision puis enclenche la vitesse lente L2. La route Transcanadienne à l'ouest de Thunder Bay est en pleine rénovation. Comme pour ne rien arranger, il était tombé une petite pluie dans la nuit. Les files de voitures, dans les deux sens, commencent maintenant à ressembler aux bouchons à l'entrée de Toulon ou à la sortie de Béziers. Les Cambodgiens se distraient à comparer les plaques d'immatriculation. Il y en a de toutes les couleurs (au sens propre), avec des combinaisons chiffres-lettres conservatrices ou d'avant-garde. Chaque province, chaque État a son surnom et l'affiche fièrement sur la plaque. Car il y a aussi beaucoup de touristes américains, venus non seulement des États environnants mais d'aussi loin que la Caroline du Sud, l'Arkansas ou le Nevada.
     - Revenons à Norodom Sihanouk Varman! propose Monty.
     - Il a pris l'habit de moine bouddhique dans son adolescence. Son guru était Samdech Chuon Nat. Ce dernier était mondialement connu comme le premier érudit à avoir complètement traduit en une langue vivante, en l'occurrence le khmer, les textes en pali et en sanskrit du Tri Pitaka ¹.
     - Mon grand-père maternel, se rappelle Monty, m'a dit que le prédécesseur de Samdech Chuon Nat, le sangha nayaka ² Souk, a donné une leçon d'humilité aux savants français de l'ère coloniale venus le tester. Ces chercheurs s'amenaient avec des inscriptions d'Angkor et, devant le bonze, mimaient les signes de respect dû à un chef d'église. Avant qu'ils aient pu poser des questions, Samdech Souk leur disait en sanskrit, à une vitesse qui les confondit, ce qu'il voyait, sans le toucher, dans les mains des testeurs!
     - Comme certains milieux de New Delhi nos érudits bavardaient entre eux en pali et en sanskrit! surenchérit Say. Il en était de même pour certains fonctionnaires du palais royal. Tu as sans doute vu comme tout le monde, lors de certaines cérémonies, des hommes aux cheveux longs noués en un chignon sur la nuque, portant un manteau de soie blanche et soufflant dans des conques sonores. Eh bien, c'étaient eux! Ces brahmanes, version moderne, nécessaires au sacre du roi! Ils faisaient leur métier de père en fils et étaient payés pour apprendre le sanskrit et les formules censées être magiques.
     - Magiques?!
     - Qu'est-ce que tu crois? Pendant des sécheresses inquiétantes, le roi Sihanouk et ses successeurs (ses parents!) ont offert aux divinités des présents en musique, en danses (le Ballet Royal!), en fleurs, en parfums et en nourriture pour leur demander... de la pluie! Et de son côté le gouvernement ignorait absolument ce qu'était une politique hydraulique!
     - Même Lon Nol, pour protéger Phnom Penh pendant la guerre 70-75, a ordonné aux hélicoptères de répandre autour de la capitale du... sable ensorcelé!
     - Bon! Ça, c'étaient des idioties, mais le sanskrit c'était du sérieux! J'ai entendu dire que le dernier chef des brahmanes, Samdech Ishi Bhatt, a fait sursauter plus d'un mandarin de la cour: il s'est tout simplement adressé à eux en... sanskrit! À titre d'exercice!
     Monty pouffe de rire. Elle demande ensuite à l'amant retrouvé de lui raconter l'histoire du Vieux aux Concombres Sucrés.
     - Eh bien! commence l'homme. À la fin du XIVe siècle, le roi avait un jardinier qui produisait des concombres inhabituels: ils étaient sucrés. D'où le surnom de Ta Trâçâk Phaèm. Le monarque lui donnait la consigne de tuer quiconque volerait les concombres. Une nuit, subitement pris d'envie de manger le fruit spécial, le roi sortait dans le jardin et s'adonnait au péché mignon. Mal lui en prit, le jardinier consciencieux faisait sa ronde, vit le voleur et lui planta sa lance dans le thorax. Le lendemain le conseil de la couronne décida que c'était le kamma du monarque de mourir ainsi. Et comme le roi n'avait pas d'héritier, son meurtrier involontaire, bénéficiant sans doute d'un phala ³ bâti au cours de ses vies antérieures, ne pouvait être que l'homme destiné à monter sur le trône. Ce qui fut fait!

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¹ Les trois Livres saints du bouddhisme.
² Chef du clergé.
³ Récompense reçue dans une vie pour une bonne action faite dans la vie antérieure (croyance confondue avec le kamma).
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