C
3
F






C
A
N
A
D
A


3


F
O
N
D
A
T
E
U
R
S
 
Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

FOLIE DES GRANDEURS

CHAPITRE QUARANTE-SEPT

     Quand les deux compagnons arrivent à Thunder Bay, la nuit est déjà tombée. Les lumières de la ville, vues en descente de pente, donnent l'impression d'être dans un petit avion en atterrissage. Le Géant Dormant, une île dans le lac Supérieur juste en face du port, doit être déjà endormi. On le verra à la prochaine fois. Pour l'instant, il faut trouver un terrain de camping, planter la tente, se restaurer et s'endormir à son tour.

     - Où il en était? ton livre? s'enquiert Say après avoir démarré.
     Ce matin c'est à son tour de prendre le volant.
     - Ça allait bien! Nguon et Dara sont en train d'ajouter des paragraphes complémentaires. Comme tu viens d'entendre, ce n'est pas mon livre mais notre livre! Je n'ai fait que de traduire les textes en français de Dara. Quand on aura fini le manuscrit, Nguon jouera en plus à l'éditeur.
     - Tu veux dire que vous allez l'imprimer et le relier vous-mêmes?
     - Pourquoi pas? On avait déjà la ronéo. Et Nguon vient de ramener de France, où il est allé voir des membres survivants de sa famille, un dactylo khmer tout neuf!
     - Tu crois que les Cambodgiens vont acheter nombreux ce livre?
     - J'espère bien! Il faut qu'ils lisent et connaissent des pages d'histoire qui leur avaient été cachées.
     - Je vois à quoi tu fais allusion! approuve Say. J'ai lu les bulletins de la CKC. Jamais une institutrice ou un professeur d'histoire n'oseraient dire à leurs élèves que le roi Ang Duong, arrière-arrière-grand-père de Norodom Sihanouk, quand en 1856 il appela à son aide les Français déjà en Cochinchine, a reçu des coups de chaussure sur sa tête en guise d'humiliation suprême infligée par le gouverneur général ou vice-roi siamois ¹.
     - Un fils de Ang Duong, Norodom, pour être sûr de monter sur le trône convoité aussi par ses demi-frères Sivatha et Sisowath, se refugiait à Bangkok en emmenant avec lui la couronne et l'épée sacrée! Norodom signa le traité de protectorat avec la France et fut couronné conjointement en 1863 par des représentants français et siamois.
     Say serre un peu plus à droite pour laisser passer une camionnette puis reprend ses réflexions historiennes:
     - Nos rois n'avaient plus de principe, plus de dignité, plus de respect envers eux-mêmes! Je crois que c'est parce qu'ils savaient qu'ils n'étaient que descendants d'usurpateurs. Depuis que le dernier Varman ² mourut transpercé par la lance de son jardinier, Ta Trâçâk Phaèm.
     - Le Vieux aux Concombres Sucrés?
     - Oui! Depuis son accession au trône, on ne jouait plus dans le palais royal qu'à qui-tue-le-roi-devient-roi!
     - Attention! souligne Monty. Ta Trâçâk Phaèm c'est une légende. Les historiens ne l'ont pas encore vérifiée formellement, quoiqu'une légende pourrait être l'histoire parlée, non écrite. Mais on peut relever que, depuis lors, les rois khmers ne s'appelaient plus Varman, seulement Ang Ceci, Ang Cela, Ponhea Ceci, Ponhea Cela.
     - Et Norodom Sihanouk Varman? rétorque Say.
     - Ah! Là, l'usurpation fut encore plus flagrante! Le roi décédé était Sisowath Monivong, un neveu de Norodom. L'héritier de la couronne, Sisowath Monireth, officier dans l'armée française, inquiétait le gouvernement de Vichy qui était alors le protecteur du Cambodge. Monireth avait des idées indépendantistes. Le gouverneur général français de l'Indochine ³, une Indochine occupée par l'armée nippone -soit dit en passant, mit alors sur le trône un petit-fils du feu roi, Norodom Sihanouk qui faisait encore ses études au lycée Chasseloup-Laubat de Saïgon.
     - Mais le titre Varman? persiste Say. Les historiens français, ceux de l'époque coloniale en tout cas, avaient un grand mépris pour notre civilisation. Ils laissaient entendre que les premiers rois khmers seraient des Indiens, qu'après la redécouverte des temples d'Angkor personne au Cambodge ne savait lire les inscriptions des bas-reliefs de l'ancienne capitale. Moi, je n'en crois rien! Il faut distinguer la domination religieuse de la mainmise politique. Tout comme les rois européens médiévaux apprenaient le latin et se faisaient sacrer par le pape, les rois khmers cultivaient le sanskrit et se faisaient sacrer par les brahmanes.

__________________
¹ Le Siam ou la Thaïlande dominait le Cambodge à cette époque-là.
² Mot sanskrit signifiant bouclier ou protecteur. Titre de tous les rois khmers de l'époque angkorienne.
³ L'ensemble Cambodge-Laos-Vietnam.

C
3
F






C
A
N
A
D
A


3


F
O
U
N
D
E
R
S
 
LES SIX
COMMANDEMENTS
REFORMING
OUR BUDDHISM
GRAMMAIRE
KHMÈRE
GOD vs
BUDDHA
L'AUTEUR Page
suivante
PEN Nearovi, Montréal, Québec, Canada
(nearovi@sympatico.ca)