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Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

UNE VIE NOUVELLE

     La rue Granville est une artère très animée, s'étirant depuis les abords du port maritime au nord jusqu'au delta du fleuve Fraser au sud. Dans sa partie centre-ville, la circulation automobile est interdite sauf aux véhicules de transport en commun, de la police et des services d'urgence. Au moins une dizaine de lignes de la régie BC Transit empruntent ce goulot d'étranglement. En fait, il s'agit majoritairement de lignes de trolleybus. Yèm Say a déjà vu ces espèces de toile d'araignée métallique. Il les a trouvé laides, encombrantes et nocives à l'esthétique de la ville. La ville c'était Toronto, en mai 1975, où il débarquait en compagnie d'une poignée d'autres Cambodgiens venant de Singapour. Mais c'était 1975. Maintenant, comprenant de plus en plus ce que pollution et environnement veulent dire, il est pour la toile d'araignée. À cent pour cent. En devenant un client assidu de BC Transit. Granville peut aussi être une rue dangereuse, la nuit. Prostituées et drogués y attendent clients et fournisseurs. Musiciens et jongleurs y partagent l'audience. Clochards, désaxés, désoeuvrés, passants, sans-abris, curieux... tout le peuple de la nuit passe à un moment donné par Granville. Ainsi que les trolleybus et les patrouilleurs de la police. Ainsi que Yèm Say chaque fois qu'il sort de son restaurant. Un soir, tout au début de son emploi, un jeune homme l'interpella, poli et amène:
     - Excusez. Avez-vous l'heure?
     - 10 h 40, répondit Say en regardant sa montre.
     Le jeune homme s'approcha soudain pour questionner, menaçant:
     - Qui? Qui?
     Say préféra jouer au plus intelligent et s'éloigna. Mais Granville sait aussi être une rue divertissante, même la nuit:
     - Avez-vous assez pour un thé ou un café? lui demanda un clochard, debout devant le banc public de l'arrêt d'autobus où Say attendait, assis.
     Mais le monsieur ne disait pas qu'une seule phrase, il répétait la même chose en leitmotiv et en crescendo:
     - Avez-vous assez pour un thé ou un café? Avez-vous assez pour un thé ou un café? Avez-vous assez pour un thé ou un café?
     Sachant cette fois répondre aux gens louches de la rue, Say garda la bouche cousue et le visage impassible mais faillit éclater de rire en pensant à ce qui se passerait s'il lui criait: Assez!

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