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UNE VIE NOUVELLE

CHAPITRE TROIS

     Ça fait maintenant près de deux mois que Yèm Say travaille au restaurant The Ivory, sur la rue Granville, en plein centre de Vancouver. C'est un établissement très fréquenté, bénéficiant de la proximité de la Bourse de Vancouver, des grands magasins Eaton et La Baie et du centre d'achats Pacific Center. Cet emploi de laveur de vaisselle, il n'a eu aucune difficulté de l'obtenir, The Ivory étant seulement le deuxième restaurant où il était entré pour simplement remplir un formulaire et attendre l'entrevue, à sa première semaine de Vancouverois. Say travaille et a l'appartement en son nom, le téléphone en son nom, le compte d'électricité en son nom. Son chambreur est toujours chômeur et, à la vue de la facture de la compagnie BC Tel que le Cambodgien lui colle au nez, répond sèchement:
     - Je te paierai les deux cent et quelques dollars! Je trouverai du travail!
     Deux cent et quelques dollars c'est le coût des appels interurbains à l'Ontario, au Nouveau-Brunswick, au Québec et au... Vieux Continent. Non. Nicky n'est pas venu à Vancouver pour chercher un job de plongeur. Il l'aurait trouvé en moins de deux. Il avait déjà nettoyé les cuisines des grands hôtels. Il avait aussi connu l'aide sociale à Toronto et y avait reçu une formation professionnelle pour immigrants. En électricité. Enfin d'après ce qu'il racontait. Say opte pour le wait and see. Entre-temps la fille revenait occasionnellement dans l'appartement. Ce n'était pas une prostituée. D'après sa carte de visite, laissée fièrement dans la salle de séjour, elle avait un bon poste au Harbour Center, cette tour de bureaux coiffée d'un restaurant panoramique tournant, située au bord de la mer. Fin octobre, bonne nouvelle. Nicky a trouvé du travail, comme installeur de panneaux muraux à quinze dollars l'heure.