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Comment reconstruire le Cambodge... et le Canada
© Copyright 1996
FOLIE DES GRANDEURS
CHAPITRE VINGT-NEUF
Dans la navette qui la transporte de l'aérogare Charles-De-Gaulle à la station ferroviaire, Monty parcourt les lignes du journal Le Monde quand soudain elle voit
le titre! Le Cambodge de Pol Pot est envahi par le Vietnam! Et ce ne sont pas de simples escarmouches frontalières dont on a déjà entendu parler depuis quelque temps. Les blindés
de Hanoï sont bien en territoire khmer rouge. C'est le début de la saison sèche en Asie du Sud-Est. Il faut remettre à plus tard la visite à l'ancien résistant et
rester un moment dans la Ville-Lumière. Voir comment vont réagir les Cambodgiens parisiens. Probablement ils feront une manifestation contre l'invasion parce que celle-ci fait mourir encore
plus de Khmers. Tiens! À propos de manifestation! Pourquoi n'en fera-t-elle pas une, tout de suite, au nom de tous les Cambodgiens du Canada? Elle se sent un peu prédestinée à
cela, l'invasion se passait pendant qu'elle dormait dans le jumbo jet! Voyons... on est samedi. Alors attendons mardi (3 janvier) quand tout le monde sera au travail. C'est décidé! Monty,
une fois arrivée à la gare du Nord, s'engouffre dans le métro et descend à la station Porte-de-Clignancourt. Tout près de là habitent Géraldine et son
cousin Lundi.
Au jour fixé, vers 10 h 30, Monty sort du magasin La Samaritaine, métro Pont-Neuf, avec tout le matériel nécessaire pour faire une pancarte: une large feuille de carton pour
peintre, 1 m 50 de bois de bricolage, une pincée de punaises et un stylo de feutre. Arrivée près de l'ambassade du Vietnam, rue Boileau dans le XVIe arrondissement, Monty appelle d'une cabine de
téléphone publique l'ORTF (Office de radiodiffusion et de télévision françaises):
- Je suis cambodgienne. Il y a une manifestation en cours devant l'ambassade du Vietnam contre l'invasion du Cambodge!
Pendant qu'elle écrit en grosses lettres sur la pancarte: À bas l'invasion vietnamienne! la jeune femme voit arriver en vitesse dans une rue transversale une voiture
qui s'arrête et repart aussitôt. Son conducteur a vivement tourné la tête vers l'ambassade. Probablement un journaliste (ou un policier) qui vérifie les dires de l'informatrice.
Lorsque Monty, pancarte à la main, fait les va-et-vient sur le trottoir devant l'édifice diplomatique, elle peut voir à travers les vitres des ombres qui se déplacent fébrilement
dans le hall. Sûrement des plénipotentiaires qui essayent de lire le slogan et prendre des photos.
La Cambodgienne a fait seulement trois ou quatre passages quand arrive un panier à salade. Deux agents en descendent et disent à la manifestante qu'elle est en état
d'arrestation. Monty ne résiste pas et monte dans le fourgon avec les représentants de l'ordre. Pas de journaliste, pas de caméra de télévision, le coup est raté. Mais
Monty n'est pas complètement déçue, elle a pu tester sa propre initiative, sa détermination. Si elle n'était pas capable de faire cela, ce n'est pas la peine d'essayer
d'atteindre la frontière khméro-thaïlandaise. Pour l'instant la Montréalaise a atteint le commissariat du XVIe arrondissement.
- C'est votre droit, votre liberté d'expression! concède le commissaire, un homme entre deux âges, en complet foncé, d'une certaine classe sinon d'une classe certaine.
«Vous êtes libre, poursuit-il. Mais avant de partir, dites-moi ce que vous pensez de M. Son Sann. Il y a des Cambodgiens d'ici qui l'accusent de corruption.
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