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Comment reconstruire
le Cambodge... et le Canada

© Copyright 1996         

IMMIGRANTE REÇUE

CHAPITRE TREIZE

     Tout n'est pas que rose et parfum pour Sam Monty. À la compagnie C. elle parle français aux collègues québécois, français aux collègues bilingues, et anglais -un anglais limité- aux collègues unilingues anglophones. Un jour un groupe de personnes l'entourent, lui tendent un texte technique en français et lui demandent de leur traduire, disant qu'ils ne sont pas assez forts et qu'ils ont besoin d'elle. Sans méfiance, Monty lit les phrases françaises et essaie de les traduire en anglais à ses camarades de travail. Nayan Sandhi, un ingénieur sénior, lui demande après quelques phrases:
     - What is this, la?
     - The article.
     Monty répond et manque d'avaler sa langue, comprenant qu'on vient de se ficher d'elle. À partir de ce moment-là elle se sent de moins en moins confortable dans la compagnie C.. Quelques semaines après, tout en travaillant, deux de ses collègues et voisins échangent une conversation assez forte pour qu'elle entende. Le dialogue est dans les deux langues officielles du Canada:
     - Cambodians don't conquer the world? lance Peter Walinski.
     - No. They subissent! répond Zhang Wu Lee.
     C'en est trop! Monty quitte la compagnie C. et cherche un autre emploi. Elle a travaillé moins de deux mois.

CHAPITRE QUATORZE

     Les mois passaient, les Cambodgiens continuaient d'arriver à Montréal, Than continuait de recevoir. C'était ainsi que l'entresol Isabella était devenu le chaudron où les immigrants khmers concoctaient leur première association culturelle: la Communauté Khmère du Canada (CKC). Et quoi de plus culturel qu'une fête de Nouvel An? Nguon, le premier président, l'organisa dans une salle louée à l'Université de Montréal. Ce soir-là tous les participants avaient le sourire crispé. C'était le Nouvel An khmer 1975. Phnom Penh, encerclé par les Khmers rouges, n'allait plus être.

*
     Monty range sa toute neuve Chevelle Malibu devant l'appartement de Sim, rue Victoria à Greenfield Park en banlieue Sud de Montréal. Elle travaille maintenant pour ADMA, une entreprise située sur le boulevard Crémazie, et n'attend pas longtemps pour réaliser à crédit un de ses rêves d'adolescente: conduire une belle américaine. Sim et Norim, maintenant fiancés, ne tardent pas à se montrer et s'engouffrent dans la voiture en se disputant la place du mort.
     - T'aurais pu acheter une quatre-portes! reproche Norim après avoir gagné haut la main sur son chéri.
     - Pourquoi? répond Monty en démarrant. Je suis toute seule, moi!
     - Pour quand viendront les enfants! lance Norim en jetant un regard câlin vers Sim, en arrière.
     À ces mots le visage de Monty s'assombrit un peu, mais elle ne laisse pas paraître davantage et conduit en silence en pensant au résultat du test imprévu qu'on lui a fait dans un hôpital de Lyon: elle est stérile. Après avoir traversé le Saint-Laurent par le pont à péage Champlain, la voiture s'engage dans l'autoroute 40 et prend la direction de Dollard-des-Ormeaux où doit avoir lieu le rendez-vous de tous les Cambodgiens, connus ou inconnus de l'association CKC, invités à une rencontre organisée par la congrégation protestante P.. Dans la cour de l'église on peut voir une cinquantaine de personnes dont beaucoup d'enfants, d'adolescents et de gens d'âge mûr. Le téléphone arabe apprend à Monty que ce sont là diplomates, officiers, fonctionnaires et hommes d'affaires arrivés avec leur famille après la chute de Phnom Penh. Un buffet de mets cambodgiens est à la disposition des participants, lesquels se font connaissance et cherchent à savoir des dernières nouvelles du pays. On est au début du mois d'août, en fin d'après-midi.

     - Mais je vous connais!
     Sim s'exclame en s'avançant vers un homme après l'avoir dévisagé pendant un moment. L'homme,d'une trentaine d'années, est assis sur une chaise à côté de la haie de cèdres qui sépare le presbytère d'une propriété adjacente. Une assiette de salade de poulet à la main, il a l'air un peu perdu, tout seul en compagnie de quelques chaises vides. L'homme lève les yeux sur son interpellant, semble le reconnaître et essaie de lui donner un nom.
     - Bâng ¹ Say! dit le premier le fiancé de Norim. Je suis Sim, votre voisin à Kampong Cham!
     - Mais oui! Vous êtes le fils de Pou ² Moeun! Mais ça fait au moins dix ans qu'on ne s'est pas vus!

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¹ Aîné, appellation relative à l'âge.
² Oncle. Monsieur, appellation familière.
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REFORMING
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