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F O N D A T E U R S |
Comment reconstruire le Cambodge... et le Canada
© Copyright 1996
IMMIGRANTE REÇUE
- Ils ne lisent et ne jurent que par L'Humanité, le journal du Parti communiste français! rapporte Pong, la bouche à moitié pleine. Et ils appellent
Vietcong et Nord-Vietnamiens mitt vietnam ¹ !
- Et c'était cette nuit-là que se passait la fusillade? questionne Sim.
- Exactement! continue Norim. La police n'avait pas dû relâcher les funkistes en pleine nuit, elle aurait pu attendre le matin. Ces enragés avaient une autre cache
d'armes. Aussitôt libérés, ils s'y sont approvisionnés puis donnaient l'assaut à la Maison. Bilan: un mort, vingt blessés graves.
- On m'a dit que tu t'es échappé d'une façon plutôt cavalière? Et de ta chambre du troisième étage! dit Monty à Pong avec un
regard admiratif.
- Je pressentais déjà quelque chose de grave, alors je me couchais tout habillé. Dès les premiers bruits de l'assaut, je me levais, me chaussais et
regardais ce que j'avais sous la main: un couteau à éplucher les pommes, une barre de tuyau de plomb, dérisoires devant les 22 long! Alors je regardais la fenêtre et je
vis la manivelle servant à l'ouvrir. Eurêka! J'ouvrais en vitesse la fenêtre, je nouais un drap de lit à la manivelle. Ils commençaient à enfoncer ma porte
(brave serrure à double pêne!). Il fallait d'abord bloquer la porte. Je poussais le lit contre la porte. À temps. Bing! la serrure venait de sauter (brave lit lourd!). J'appuyais un genou
contre le bout du lit. D'un bras, je tirais la table de travail vers le lit. Je poussais la table contre le lit, alignés bout à bout. L'autre bout de la table (brave table longue!)
n'était que de quelques centimètres du radiateur, c'est-à-dire du mur et de la fenêtre. La porte fut partiellement bloquée! Brave chambre courte!
[
PHOTO C I U P , 2004 ] |
«Ils continuaient toujours leurs coups
de bélier. Je nouais le deuxième drap au précédent,
je jetais le tout dehors. Je vérifiais si le premier noeud tenait
bien à la manivelle, ça tint. Il fallait y aller, draps déchirés
ou pas. Je me hissais hors de la fenêtre, je descendais la corde
improvisée. Ça tenait. Je descendais encore, encore. Il n'y
avait plus de corde, ça ne fit rien, mes pieds touchaient déjà,
ou presque, le toit de la salle des fêtes. Je courais sur le toit.
Tous les rideaux des chambres étaient tirés, personne ne
me voyait. Au bout du toit je regardais vers le sol: encore quatre à
cinq mètres (il s'agissait de la salle des fêtes de la Maison
du Cambodge!). Je cherchais des aspérités aux murs, un tuyau
de drainage. Rien. Il fallait y aller, en parachutiste. |
«La nuit était assez noire, j'avais mal calculé mon coup et m'étais reçu au sol sur les quatre pattes. Petite brûlure, rien de grave, les paumes
déchirées. Je courais ensuite à travers le jardin intérieur, franchissais la porte de l'enceinte et fus enfin hors de la Maison du Cambodge. Puis je courais (toujours!)
vers le passage pour piétons, je traversais le boulevard Périphérique, étais à Gentilly, me dirigeais vers le premier café aperçu, réveillais les
patrons et leur demandais d'appeler la police. Ensuite j'allais tout droit chez une famille d'amis derrière l'église de Gentilly leur demander asile. Ce fut seulement à ce moment-là
que je sentais un courant d'air froid (on était en hiver) sur mon derrière: mon pantalon était déchiré du nombril à l'autre bout de la ceinture.
- ...
Voyant que toutes les autres bouches sont restées ouvertes, Pong gratifie la sienne d'une autre gorgée de Labatt 50.
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¹ Mitt: ami, camarade. |
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