?
   
      À la recherche d'une grammaire khmère
                                                                                             © Pen Nearovi, 1999

F - LES PRONOMS

        Question d'un peu de rappel, les pronoms remplacent les substantifs et peuvent être sujets ou compléments. Notons déjà qu'il ne vient pas à l'esprit d'un Cambodgien de dire "il" ou "elle" en parlant d'un livre ou d'une chaise. Un objet est un objet. À la rigueur on personnifie des animaux ... Voilà pour le côté langue. Côté humain, les pronoms reflètent bien la société khmère, une société hiérarchisée où chacun est jaloux de son rang et ce, dès le niveau de la famille. Jamais les enfants ne tutoient leurs parents, les plus jeunes vouvoient leurs frères et soeurs plus âgés. Si à l'école primaire les garçons se tutoient naturellement, les filles ont déjà un langage plus mesuré, le tutoiement entre femmes étant jugé " DaaCH'  SaaCH' " (chair-déchirant). Ainsi le lecteur trouvera-t-il une certaine ressemblance à l'espagnol quant à la politesse et à l'omission de sujets des verbes.

F1 - PRONOMS PERSONNELS

        1) 1re personne du singulier : KH/NHom est en fait un substantif signifiant "serviteur, domestique". Le Je du Cambodgien poli est donc : Moi, votre serviteur. aiNH (du pali aHam) est plus autoritaire ou plus amical. YeuNG, comme le Nous français, est plus distant. QNea (Moi, ton compagnon) est plus égal, èNG (pour ne pas dire aiNH) également, à condition qu'on se connaisse. KH/NHom-BaaT (Moi, votre valet de pied) dénonce déjà un rang inférieur. Notons que pour s'adresser aux membres de la famille royale ou du clergé, il y a un vocabulaire spécial pour toutes les personnes. Dans la cellule familiale on entend très souvent BaNG (Moi, ton ou votre aîné), ohN (Moi, ta chérie), KohN (Moi, votre enfant), MaaK' (Moi, votre maman), MiiNG (Moi, votre tante), Pou (Moi, votre oncle), etc.
        Exemple : Pou  Teuv  ViNH  HaeuY  KHMuoY ! (Je rentre, mon neveu !).

        2) 2e personne du singulier : èNG est déjà l'amorti de aa-èNG, très amical ou très injurieux. NeaK-èNG fait froncer les sourcils. NeaK est neutre socialement mais s'emploie surtout vis-à-vis d'une femme ou entre femmes, à moins que ce ne soit le NeaK archaïque et littéraire. LauK est l'équivalent de "monsieur" mais LauK-èNG est très peu flatteur. LauK  SRéi est pour une dame. NeaNG, pour les enfants et adolescents des deux sexes, est une marque de considération. KHLourN donne la réplique à QNea entre amis ... Encore une fois, dans la famille, BaNG, P/ohN, KHMuoY, MiiNG, Pou ...
        Exemple : KHLourN  THVeu  eNH/CHiNG  QNea  MiN  PiNH-CHeTT  Té ! [Toi faire ainsi moi pas satisfait] (Ce que t'as fait ne me plaît pas !). Pou  KHeuNH  aa-TouTou  Té ? (Avez-vous vu Toutou, mon oncle ?).

        3) 3e personne du singulier : QoaT, pour une personne plus âgée, est correct socialement. Vea, pour les enfants, c'est normal mais sans égard pour les adultes sauf entre amis. Qué révèle déjà une certaine considération. LauK est vraiment très respectueux puisqu'il ou elle n'est pas là pour l'entendre. QNea exprime la compassion, la sympathie. KHLourN est l'équivalent de Soi.
        Exemple : LauK  SoQuoT  Pi  CHHNaaM-Teuv  HaeuY (Il [le Vénérable] est décédé l'an dernier). aaNeT  QNea  NaaSS ! (Il fait vraiment pitié !). KHLourN  Ti  PiNG  KHLourN (Proverbe : On ne peut compter que sur soi) [Textuellement : Soi est où s'appuyer].

        4) 1re personne du pluriel : YeuNG est l'un des plus grammaticaux pronoms personnels khmers, sans préoccupation sociale. Dans les pétitions, YeuNG-KH/NHom est moins menaçant que YeuNG tout court. PourK-YeuNG indique un groupe nombreux.

        5) 2e personne du pluriel : L'archaïque aSS-aa-èNG et l'amical PourK-aa-èNG ressemblent à l'espagnol Vosotros. aSS-NeaK n'est plus utilisé, l'institutrice préfère NeaK  TairNG-aSS-QNea (Vous tous) ou NeaK  RoaL-QNea (Chacun de vous). aSS-LauK est pour une assemblée de messieurs. aSS-LauK  SRéi ne sonne pas bien, on préfèrerait LauK  SRéi  TairNG-aSS-QNea. Pour une assemblée mixte, LauK-NeaK. Au sein du petit peuple, ce sera BaNG-P/ohN (Frères et soeurs) .
        Exemple : Baeu  LauK-NeaK  YourL'-PRorM  SauM  LeuK  Daii (Si vous êtes d'accord, veuillez lever la main).

        6) 3e personne du pluriel : Qué désigne avec un certain égard un groupe d'individus connus ou inconnus. PourK-Vea incrimine très bien un clan adverse. QoaT peut s'utiliser au pluriel s'il désigne un groupe limité de personnes connues, Vea également.

        Ces pronoms personnels s'emploient autant comme sujets que comme compléments d'objet, directs ou indirects. KHLourN-KH/NHom (Moi-même); KHLourN-aa-èNG (Toi-même); KHLourN-QoaT (Lui ou elle-même); KHLourN-Vea (Lui ou elle-même); KHLourN-YeuNG (Nous-mêmes); KHLourN-NeaK (Vous-mêmes); KHLourN-Qué (Eux-mêmes); KHLourN-èNG (Soi-même).
        Exemple : Pou  RirB  eDDH  KHLourN-Pou  KHMuoY ! (J'ai fait la maçonnerie moi-même, mon neveu !).

        Remarque : Si l'on emploie volontiers Vea pour les animaux, il n'y a pas de pronoms personnels pour les objets sauf quand on veut répéter ces derniers : Kao/éi , YeuNG  RirB  Vea  KHaaNG  CHHVeNG (Les chaises, nous les rangeons à gauche). Dans les conversations, même des pronoms "pour les personnes" peuvent être omis, des sujets aussi bien que des compléments. On comprend par sous-entendu. Cette possibilité influence toute la formation de la phrase khmère. Exemple : Soient les échanges suivants :
       
 
- LaaN  Teuv  Naa  HaeuY ?
- SuY  YorK  Teuv  LeaNG  HaeuY.

- èNG  Lu  Té ? Sao  BaaN  THVeu  CONSEIL  HaeuY.
- aiNH  MiN  SoV  SQoaL  DèR.
- NGu ? CHHNam-Teuv  TRoV-QRoaB  Vihh-Tè  NGoaB  Nouh !
   
 
- Où est la voiture ?
- SuY a emmenée pour laver. [la]

- T'as entendu ? Sao a été nommé ministre.
- Je ne connais pas assez. [le]
- Voyons ! L'année dernière, a reçu une balle et a failli mourir ! [il]

F2 - PRONOMS DÉMONSTRATIFS

        Une place pour les objets et les choses invisibles. Nihh  CHea  SeaVPHeuv  KH/NHom : (Ce, ça, ceci) est mon livre, où Nihh est sujet de CHea . Qeu  Nihh  HaeuY  PHeaP-L /NGuNG-KHLao : C'est ça, l'analphabétisme, où Nihh est complément du verbe Qeu . Nihh  CHea  Nor  Naa ? (C'est qui ?). NeaK  Naa   Nouh ? (Qui est celui-là ?). aa-Nihh (celui-ci), aa-Nouh (celui-là) sont normaux pour les choses et les animaux mais insultants ou amicaux quand ils désignent des hommes.
        aa laisse le choix : aa  KHaaNG-SDaam (Celui de droite). NeaK-Nihh [Celui-ci, celle-ci], NeaK-Nouh [celui-là, celle-là], NeaK-TairNG-Nihh [ceux-ci, celles-ci], NeaK-TairNG-Nouh [ceux-là, celles-là].
        A/Véi, familièrement S/éi et même Éi, est abstrait comme le français Ce : A/Véi  DèL  KH/NHom  S/aB' ... (Ce que je déteste ...) . NeaK  DèL  Qué  THVeu-Baab (Celui [celle, ceux, celles] qu'on martyrise). Mais  NeaK  sujet n'a pas besoin du relatif  DèL  :  NeaK  THeaK  CYCLO (Celui [celle, ceux, celles] qui condui[sen]t le cyclo-pousse). M/NeaK-Nouh  THVeu-KaaR  S/éi ? (Celui-là travaille comme quoi ?).

                   REMARK :
NairK and NairK


LES SIX
COMMANDEMENTS
REFORMING
OUR BUDDHISM
ROMAN
POLITIQUE
DIEU vs
BOUDDHA
GRAMMAR
Introduction
GRAMMAR
(NEXT)
PEN Nearovi, Montréal, Québec, Canada
(nearovi@sympatico.ca)