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      À la recherche d'une grammaire khmère
                                                                                             © Pen Nearovi, 1999
C - LES MOTS

        On ne cherchera peut-être pas à savoir pourquoi le Français dit VITE alors que le Khmer dit LeuaN. Mais quand l'un dit VITESSE et l'autre dit LBeuaN, ça commence à devenir intrigant. Si des langues européennes forment des mots supplémentaires avec des préfixes et des suffixes, le khmer et certaines autres langues le font avec des infixes :

KaT' noter
KaaT' couper
QiT penser
QeaB coincer
NGoum couvant
NGouT se baigner
CHaaY dépenser
CHihh monter à, en
KamNaT' note
KamNaaT' coupure
QumNiT pensée
QH/NeaB serre-joint
PH/NGam couver
PH/NGoT baigner le bébé
CHamNaaY dépenses
CHumNihh véhicule
CHum autour (de)

VerNG long
PHehh cendres
Daeu(R) marcher

RourM commun
aT' sans
CHumNum tenir conseil
PRaCHum rassembler
PRaVèNG longueur
PRaPHehh gris
DamNaeu(R) démarche
BaNDaeu(R) promener
BaNGRourM unir
BaNG/aT' Priver (de)

        On ne l'a jamais dit, mais le parler khmer a un accent - à l'anglaise. Tous les mots (à deux syllabes) formés avec des infixes doivent être accentués sur la dernière syllabe. C'est ce qui avait fait dire à Monsieur Iev Kaeus que de tels mots ont au plus une syllabe et demie. En plus de ces mots générés localement, il y avait eu des apports étrangers inévitables dûs aux échanges internationaux : sanskrit, malayo-javanais, chinois, européen et bien entendu ceux des voisins immédiats. Les mots tels que PDei (mari), PRaPuoN (conjointe), MouKH (face), SaaLaa (école) ... s'emploient tellement dans la vie courante qu'on oublie qu'ils étaient sanskrit. KamPoNG (port), SaaRoNG (jupe de chambre) seraient malayo-javanais. SaaMSeB (30), SèSeB (40), ... KaoSeB (90) ressemblent à s'y méprendre à du cantonais. KRaDaas (papier) est d'origine portugaise. Riel, notre monnaie, vient du real espagnol. LouY (le pognon) valait bien en son temps un louis d'or français. Cyclo, radio, etc. s'emploient plus fréquemment que leurs traductions palisées.

C1 - MOTS COMPOSÉS

        Deux ou plusieurs mots de même ou de différente nature grammaticale s'agglutinent pour former un autre mot. On trouve abondamment des substantifs (noms) composés, des qualificatifs composés, des verbes composés et même des conjonctions et des prépositions composées.

D - LES SUBSTANTIFS

        Si le verbe TaoNG (s'accrocher) donne par désinence (infixe) BaNTaoNG (penditif), d'autres noms communs doivent être générés par composition :

        1) Substantif + substantif : CHirNG (artisan, ouvrier) + CHHeu (bois) = CHirNG-CHHeu (menuisier); CHirNG-MirS (bijoutier), CHirNG-DèK (forgeron), où MirS et DèK sont respectivement or et fer. SBèK (peau, cuir) + CHeuNG (pied) = SBèK-CHeuNG (chaussures). Notons que nous employons ici le trait d'union pour faciliter la lecture; en khmer tout est agglutiné.

        2) Substantif + verbe : DèK (fer) + Kehh (gratter) = DèK-Kehh (briquet); CHHeu (bois) + QouS (tirer un trait) = CHHeu-QouS (allumettes); CHHeu (bois) + CHRaT' (s'appuyer) = CHHeu-CHRaT' (canne). YuNT (machine) + Haoh (voler) = YuNT-Haoh (avion).

        3) Substantif + adjectif : Dei (terre) + Sa (blanc) = Dei-Sa (craie); TeuK (eau) + KHMao (noir) = TeuK-KHMao (encre); Dei (terre) + KHMao (noir) = Dei-KHMao (crayon).

        4) Plus de deux mots : CHRaaS (brosse) + DoS (frotter) + THMeNH (dent) = CHRaas-DoS-THMeNH (brosse à dent); CHHeu (bois) + CHaaK' (piquer) + THMeNH (dent) = CHHeu-CHaaK'-THMeNH (cure-dent).

        Ces mots composés ont évidemment la valeur grammaticale de substantif. Même au niveau de la formation des mots, on peut déjà remarquer la caractéristique de langue isolante du khmer : les mots sont placés côte-à-côte sans besoin de liants (à, de) ou de transformations (conjugaison, déclinaison). Le néophyte habitué aux langues liantes devra donc, dans l'esprit, "conjuguer" lui-même les verbes khmers ou "ajouter des prépositions" à, en ou de : CHHeu-CHRaT' (bois à s'appuyer), YuNT-Haoh (machine volante), RoTèS-PHLeuNG (voiture à feu) (train), KohN-SauR (petit de serrure) (clef) ...

        5) Noms d'espèces : KHLaa (Tigre), KHLaa RoKHeN (Panthère), KHLaa TRéi (Puma) . KammBeT (couteau), KammBeT KauR (rasoir), KammBeT PHQeaK (coupe-coupe) . CHHeu (Bois), DaeuM CHHeu (Arbre), SLeuK' CHHeu (Feuille), MèK CHHeu (Branche), PHLè CHHeu (Fruit) . LéKH (chiffre), LéKH BauK (addition), LéKH SaNG (soustraction), LéKH QouN (multiplication), LéKH CHèK (division), THVeu LéKH (calculer), etc.

        6) Forme pronominale : NeaK est un pronom polyvalent employé ici aux sens de Quelqu'un de, Celui qui : NeaK-SRè (Paysan), NeaK-ReaCHKaaR (Fonctionnaire), NeaK-CHamRieNG (Chanteur), NeaK-TauS (Prisonier), NeaK-TiNH (Acheteur), NeaK-LuoK (Vendeur), NeaK-Som-TeaN (Mendiant), etc.

        7) Influence française : Elle a non seulement fait créer de nouveaux substantifs composés mais aussi "une certaine conjugaison" des verbes. Là où les Cambodgiens avaient l'habitude de dire "MSeL  MeNH  Qué  BaNGKaeuT  PourK  ToaT  BaaL'  Pi(R)  KRoM", les textes français disaient : "La formation de deux équipes de football a été finalisée hier ..." On a donc fini par traduire des substantifs tels formation, création, abolition, crédibilité, respectabilité, etc. non pas parce que ces notions n'existaient pas au Cambodge mais parce que les lycéens cambodgiens finissaient par ressembler à Monsieur Jourdain qui croyait faire la bonne prose.
        Ces nouveaux noms composés commencent soit par KaaR (travail, action) soit par PHeaP (état, aspect), tous deux d'origine pali. On a donc les mots : KaaR + BaNGKaeuT (donner naissance) = KaaR-BaNGKaeuT (formation, création); KaaR + BamBaaT' (faire disparaître) = KaaR-BamBaaT' (abolition); PHeaP + TReMTRoV (intègre) = PHeaP-TReMTRoV (intégrité); PHeaP-S/NGaB'-S/NGeaM (tranquillité) ... Si leur fabrication est permise et libre, il n'est pas clair que de tels mots sont reconnus officiellement, c'est-à-dire inscrits dans des dictionnaires. Par ailleurs la phrase cambodgienne de tout à l'heure était : "Hier, on a formé deux équipes de football".

        8) Compound with SeCH/QDay : When a toddler has grown up enough to understand people, he or she is called a QMeNG-DuNG-SeCH/QDay or simply QMeNG-DuNG-QDay (Child-Aware of-Things). At school, text composing is called TaeNG-SeCH/QDay (Composing-Things). "Make sense" can be translated by BahN-SeCH/QDay (Obtaining-Things) (Saying-Things).
        QaTT-SeCH/QDay means Judgeing (Splitting over-Things). QDay had become the meaning of Trial. CHH/Neah-QDay = Winning a trial . CHaiNH-QDay = Losing a trial . SMaa-QDay (Shoulder of trial) = Lawyer.
        Thus the word SeCH/QDay (abstract thing) is used to form abstract compound substantives : SeCH/QDay-SNaeHaa (Love). SeCH/QDay-MeTTaa (Compassion). SeCH/QDay-SoKH (Peace). SeCH/QDay-CHomRurN (Growth) , etc.

        9) Construction pali : Beaucoup de substantifs, anciens ou nouveaux, très bien ou très peu compris, enrichissent le vocabulaire khmer et sont formés de mots pali à la manière pali. On peut citer :

ÉCRITURE ANCIENNE

Mots pali
SIGNIFICATIONS

Paix Vieux_sage Propagande Présence Informations Santé Karma Gouvernement Héritage Haut-parleur
ÉCRITURE NOUVELLE

Pali Nouveau

De gauche à droite et de haut en bas : SaNTePHeaP,  PReuTTHeaCHaaR(Y),  QHauSNaaKaaR,  VoaTTaMeaN,  PoaRDaMeaN,  SoKHaPHeaP,  KaMM,  RoaTTHaaPHiBaaL,  Ké(RTi),  oQQHauSaNaSaPT.

        10) Le pluriel : Il est indiqué par le sens de la proposition, par les adjectifs ou par le substantif lui-même : PourK-MaaK (Ami, amis), PourK-CHorR (Voleurs), PourK-TeaHeaN (Soldats), PourK-ToaT-BALLE (Footballeurs)PourK est lui-même un substantif signifiant Groupe, Équipe. JaNaaNuJaN (Gens, foule). Certains noms communs se répètent pour marquer le pluriel : PRoS PRoS (Hommes), SRéi SRéi (Femmes), KMeNG KMeNG (Enfants). Mais cet usage est assez familier et limité ; notons aussi que PRoS, SRéi et KMeNG jouent aussi le rôle d'adjectif (Masculin, Féminin, Jeune).
        Remarque : Le pluriel de l'un n'entraîne pas celui de l'autre mot de la proposition : TeaHeaN  Bei  NeaK (Trois soldats).

LES SIX
COMMANDEMENTS
REFORMING
OUR BUDDHISM
ROMAN
POLITIQUE
DIEU vs
BOUDDHA
GRAMMAR
Introduction
GRAMMAR
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PEN Nearovi, Montréal, Québec, Canada
(nearovi@sympatico.ca)