Réformer le bouddhisme khmer    
 
   
 


G - DEUX SOLUTIONS

        Ainsi, les deux péchés (ou mauvais karma) majeurs du clergé bouddhiste khmer étaient d'avoir permis à une grande partie de ses membres de profiter du bouddhisme plutôt que de le servir, et de n'avoir pas alphabétisé l'ensemble des paysans qui, pourtant, lui donnaient à manger (combien d'antit, d'anciens nén, avaient appris à leurs parents, frères et soeurs à lire et à écrire ?). Et le péché collectif de la société khmère était d'avoir accepté cet état de choses pendant huit cents ans. Si vraiment nous croyons au karma, nous devons maintenant apporter des corrections sous peine d'un prochain châtiment. En passant, l'injustice sociale, la corruption des autorités et parallèlement la soumission (ou le laisser faire) des citoyens étaient aussi péchés (bap). Avis aux intéressés, au Cambodge.

        G1) Le clergé minimal : Quand vous rencontrez un bonze dans la rue ou que vous lui rendez visite dans son kod (presbytère), vous n'avez pas à le saluer comme vous l'auriez fait pendant les prières [v]. Selon le Tri Pitaka, les bonzes doivent être cinq au minimum pour avoir qualité de Sangha (Clergé). Une pagode "réformée" pourrait donc ne compter que cinq bonzes, cinq vrais bhikkhu qui voudraient refaire le chemin de Siddharta : ils devraient avoir déjà goûté à tout (sexe, famille, richesse) puis en auraient assez et voudraient chercher la spiritualité, un peu comme les yeay tchi (religieuse bouddhiste) qui, elles, ne dépendaient pas "alimentairement" de la société. Quant aux candidats samané ou nén qui, de toute façon, doivent avoir déjà fréquenté l'école publique obligatoire, leurs parents se demanderont si leurs propres péchés éventuels pourraient être rachetés dans un monastère par leurs fils.

        G2) Les chapelles laïques : La vertu du bouddhisme est la non-violence véhiculée par la répétition inlassable des Cinq Commandements (Sila). Lors de nos prières, un achar (sage, enseignant), souvent ancien bonze lui-même, faisait office de maître de cérémonie et disait les premiers mots des versets à réciter. Quand nous disions avec lui «Ama Bhanté» (Oui, Monsieur ; Oui, Seigneur), nous promettions au bonze qui venait de nous faire répéter les Sila, de bien retenir et appliquer ces derniers. C'était seulement après cette promesse que le bonze nous donnait ses bénédictions auxquelles nous répondions par une exclamation : Sadhu ! (Saint homme !) qui était notre compliment en retour au bonze. La tragédie d'après avril 1975 a montré que nos «Ama Bhanté» et nos «Sadhu !» n'ont pas servi à grand-chose si nous n'avons pas tenu promesse, c'est-à-dire si nous n'avons pas appliqué un tant soit peu les Commandements. Donc, le plus important est l'observation des Cinq Sila, non la bénédiction et la présence des bonzes. On peut donc imaginer un bouddhisme réformé khmer, sans clergé, professé dans des vihear qrohoas animées (non dirigées) par des laïques ayant les connaissances des anciens achar (ou anciennes yeay tchi) et motivés par la non-violence et la propagation des enseignements de Bouddha.

H - LA MÉDITATION ET L' ÉTUDE DU PALI

        Au Cambodge, même les vieux bonzes ne faisaient pas tous la méditation, pourtant le moyen employé par Siddharta pour trouver, par lui-même [vi], la doctrine qui nous a tous séduits et qui lui avait valu les surnoms de l'Éveillé ou de l'Illuminé. De nos jours, des gourous et des centres de méditation se comptaient par centaines dans les pays occidentaux. Même si les Khmers rouges ont presque exterminé les moines bouddhistes cambodgiens, on peut puiser de l'extérieur les techniques de méditation ainsi que les ressources linguistiques pali et sanskrit, ces langues mortes profondément incrustées dans le parler khmer, comme le grec et le latin dans le français et l'anglais.
        Avant et pendant le régime de Lon Nol, des archéologues et d'autres techniciens en Lettres et en Beaux-Arts ont été formés et ont suivi des cours obligatoires de pali-sanskrit. Les rudiments du pali-sanskrit auraient dû être enseignés aux élèves du secondaire dès la classe terminale (section Classique ou Philo) et même avant. C'était complètement imbécile, de la part des enseignants, d'écrire au tableau en khmer (?) "Voattamean" et dire aux élèves que ça voulait dire, en français, "Présence".

J - PERSPECTIVE 5000

        Dans une prophétie écrite khmère, dont on ignore les sources, Bouddha aurait dit que sa religion durerait cinq mille ans et qu'après, sept soleils apparaîtraient un à un dans le ciel et la terre brûlerait ; ce serait une nouvelle ère géologique, chheh kalp (ère des feux). Nous y croyions puisqu'en 1957 A.D. nous appellions le 2500e anniversaire du bouddhisme «bonn pairk kandal sasna», fête de la moitié de la religion. Treize ans plus tard, en 1970, se réalisa un événement prédit : la Guerre du Cambodge. En avril 1975, ce fut «Mean phtairh ott monous neuv, mean phlov ott monous daeu ; il y a maisons mais sans occupants, il y a chemins mais sans piétons» : L'évacuation de Phnom Penh et de toutes les villes cambodgiennes. Et c'était également «Qhlauk lich, ambèng andèt ; ce qui flottait coule à pic, les écrasés prennent le dessus» : L'élimination et l'asservissement de l'intelligentsia et de l'oligarchie. Actuellement, avec les assassinats, la corruption et le pillage du budget national et des ressources naturelles, nous sommes en pleine période des «chaur ha roy ; cinq mille voleurs».
        Mais dans son autobiographie orale (prise en note par le fidèle adjoint Ananda), connue sous le titre de Jataka, Bouddha avait clairement dit qu'il n'était pas le seul Preah (Déifié, Prophète, Élu de Dieu) de l'Univers, qu'il y avait eu quelques autres avant lui (tout en donnant des noms en pali) et qu'il y aura un autre, le dernier, après lui. Et c'est là où se rejoignent le Jataka, la prophétie khmère et l'Apocalypse de Saint Jean (Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier). La prophétie khmère aussi prédisait la venue du dernier Preah après l'ère des feux [vii], Preah Sé Ar Métri qui redonnerait vie à la planète. Vu que l'an 5000 de l'ère bouddhique correspond à l'an 4457 de l'ère chrétienne, les croyants au karma (donc au cycle de la mort et de la vie) auront le temps de mourir-renaître-remourir encore 24 fois. Alors, faisons un effort (sikkhapadam samadiyami) de ne faire que du bien pour pouvoir renaître chaque fois bénis, heureux, chanceux, aimés, comblés, admirés, en bonne santé, etc.

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[v] Depuis 802 A.D. (Jaya Varman II), nos rois se prenaient pour dieux. Nos manières de cour se confondaient donc avec nos manières de ... temple. Les bouddhistes chinois et japonais, par exemple, ont leurs propres façons de présenter leurs respects à Bouddha.
[vi] «Ett mean qrou achar na pradao Preah Ang laeuy : Aucun précepteur ne Lui fut nécessaire», dit un verset.
[vii] Des savants et des environnementalistes sont en train de s'inquiéter du réchauffement de l'atmosphère. Si cela mène vraiment à l'ère des feux, Preah Sé Ar Métri, le dernier, ne recréera certainement ni hominidé ni hominien.

LES SIX
COMMANDEMENTS
GRAMMAIRE
KHMÈRE
GOD vs
BUDDHA
ROMAN
POLITIQUE
REFORM
Letter 1
PEN Nearovi, Montréal, Québec, Canada
(nearovi@sympatico.ca)