Le tunnel du mont Ta Reach a été creusé pendant le régime Pol Pot entre 1977 et 1978 par les mains même des "prisonniers politiques" avant leurs exécutions. Selon M. Tit Sokhon, les "prisonniers" venaient de Kampong Chhnang aussi bien que d'autres provinces, étaient environ 270 (par vague?) et avaient comme tout vêtement une culotte et un krâma. Chacun avait comme outils un marteau et un ciseau. Ils étaient gardés par des Khmers Rouges dans des endroits différents de façon à les désorienter. Les condamnés devaient se lever à 4h du matin, au son du sifflet du gardien-chef, et ce, rapidement sinon ils seraient frappés à coup de crosse par les gardiens.

Les prisonniers se plaçaient ensuite en rang, enroulaient leurs outils dans leurs krâma qu'ils portaient, mettaient les mains sur la tête et suivaient dans l'obscurité les gardiens vers le chantier sans pouvoir reconnaître le chemin. C'était un moyen de garder secret l'endroit. Ils étaient ensuite divisés en deux groupes, l'un travaillait l'entrée de l'est, l'autre celle de l'ouest. Au chantier, un ingénieur chinois dirigeait les travaux et donnait les ordres à ces soldats de Pol Pot. Avant d'entrer dans le trou, chaque travailleur est compté minutieusement par un gardien qui le touchait avec un bâton. Tous les prisonniers travaillaient trois fois par jour : de 6h à 11h, de 13h à 17h puis de 19h à 22h. Mais ils n'avaient droit qu'à deux repas par jour : une boule de riz et un peu de sel à recevoir dans les mains, pas d'assiette. C'était le même régime, chaque jour, sans exception. L'intérieur du tunnel était éclairé par des lampes à acétylène, qui dégageaient des gaz toxiques. Des travailleurs déjà affaiblis par le manque de nourriture étaient pris de malaise, tombaient des échafaudages et se blessaient plus ou moins sérieusement. Ils ne recevaient aucun soin et étaient généralement emmenés par des gardiens qui les mettaient à mort.

À l'arrêt du travail, les prisonniers subissaient une nouvelle désorientation : on les faisaient sortir par un autre chemin. Les hommes de Pol Pot avaient fixé à 6 mois le délai de construction du tunnel. Mais la libération du Cambodge en 1979 laissa l'ouvrage inachevé. Nous avons visité le tunnel et constaté qu'il peut laisser passer une voiture. Ses dimensions moyennes : largeur 2.8 m, hauteur 5 m, longueur 200 m. Le tunnel n'est pas droit et présente un angle à peu près au milieu. À l'endroit précis de l'angle, sont aménagées de petites chambres dont on ignore l'usage. Quelques escaliers métalliques montent à une même place dont on ignore le but, car tous les travailleurs avaient été exécutés. Leur fosse commune s'étendait le long de la rivière, à l'ouest de la piste d'envol construite à la même époque sous le règne de Pol Pot.